Mais que c’est-il donc passé ce 22 décembre 2001 dans la tête du père de l’apnée moderne, de ce maître à plonger des Pelizzari, Pipin, Leferme et consort, comment peut-on songer à se pendre, dans un accès ultime de désespoir, lorsque l’on est capable d’atteindre plus de 100 mètres de profondeur sans respirer et de tenir encore 4 minutes d’apnée à 74 ans ?
Né en Chine en 1927, Jacques Mayol était surnommé « l’Homme-Dauphin » pour ses exploits sous-marins en apnée. Sa fascination pour la mer, il l’a construite avec sa meilleure amie Clown, une femelle dauphin d’un aquarium de Floride où il travailla pendant 40 ans.
C’est avec Clown, qu’il rejoignait dans son bassin à l’heure du déjeuner, qu’il apprit à retenir son souffle et à économiser son énergie en apnée.
Il perfectionnera plus tard ses techniques en complémentant avec de longues scéances de yoga qui lui permirent ensuite d’atteindre le premier les 100 mètres en novembre 1976 à l’ile d’Elbe puis 101 mètres en 1981 et 103 mètres en novembre de cette même année.
Ces plongées font parties d’une longue saga de compétitions avec l’italien Enzo Majorca (le 1° homme à atteindre les –50 mètres) qui dura 10 ans et qui virent doublée la profondeur atteinte.
Mayol lui même, se considérait plus comme un chercheur et un philosophe que comme un champion et lorsqu’il décida d’arrêter la compétition en novembre 1983 (à l’âge tout de même de 56 ans) après avoir atteint 105 mètres (battant son propre record), il prit le parti de se consacrer à la plongée uniquement dans l’intérêt de la science et ainsi contribua à enrichir le monde de l’apnée en terme de philosophie autour de l’esprit, de la relaxation et du yoga et amena les autres plongeurs « no-limit » à un autre regard sur l’apnée et sur la façon de descendre…et de remonter.
Cette même année, il livre sa vision du futur, de l’homme et de son évolution à travers un livre : « Homo Delphinus » ; pour lui, ce terme se réfère à tout homme aussi aquatique qu’un dauphin, et estime que l’évolution des espèces amènera certains individus à s’adapter, et à s’approcher au plus près de la constitution des mammifères aquatiques, ainsi, d’après lui,beaucoup d’entre eux ( !) seront capables dans les décennies, d’atteindre les 200 mètres.
Ce livre était, il y a vingt ans, l’œuvre d’un doux rêveur pour les esprits bien pensants, aujourd’hui, avec les 154 mètres atteint par Loïc Leferme en août 2001, record homologué, et surtout les 162 mètres (mais non homologués) franchis par Francisco Ferreras Rodriguez, dit « Pipin », le 18 janvier 2000, la réalité n’est pas loin de dépasser la vision de Jacques Mayol et tout laisse croire que la barre mythique des 200 mètres tombera rapidement ouvrant la porte à une nouvelle barre (300 mètres ?)….l’homo delphinus est déjà né !